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Tunisie Un nouveau code de l’investissement « plus simple et plus attractif »

L’Assemblée tunisienne a adopté, le 17 septembre dernier, un nouveau code de l’investissement censé poser la pierre angulaire des réformes structurelles de l’économie tunisienne. Le nouveau code, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2017, vise à simplifier le parcours de l’investisseur qui n’aura plus affaire qu’à un interlocuteur unique, l’Instance tunisienne d’investissement.

Le code actuel, adopté en 1993, qui encadrait l’investissement, s’intégrait à un dispositif complexe d’incitations fiscales, d’aides financières, d’autorisations d’activité et de cahier des charges. Sous les poids de nombreux amendements législatifs et de 155  décrets d’application, ce système était devenu un labyrinthe de procédures aussi coûteux qu’inefficace. Non seulement, il consommait plus de 8% des recettes fiscales de l’Etat, mais 90 % des aides et des avantages étaient concentrées par 10 % des entreprises, tout en ne contribuant qu’à hauteur de 2% des emplois créés dans les services et l’industrie.

 

Un interlocuteur unique, l’Instance tunisienne d’investissement

 

Le nouveau code vise à simplifier le parcours de l’investisseur qui n’aura plus affaire qu’à un interlocuteur unique, l’Instance tunisienne d’investissement. Ainsi, le régime d’autorisation et de cahier des charges sera allégé durant les cinq prochaines années pour ne concerner qu’un nombre limité d’activités stratégiques, au lieu de trois cents, qui représentent actuellement près de la moitié de l’activité économique. De même, une nouvelle loi, en cours d’élaboration, redéfinira le système d’incitation fiscale et les aides financières seront redéfinies autour d’objectifs prioritaires :  le développement régional, l’exportation, le promotion de secteurs à haute densité de main d’œuvre (l’agriculture, la pêche…) et la montée en gamme. Les exonérations fiscales sur les bénéfices réinvestis, sur 5 à 10 ans, seront indexées sur l’indice de développement de chaque région. Par ailleurs, la différence entre le secteur dit “off-shore”, les sociétés étrangères à 100 % exportatrices, et on-shore est supprimée. Toutes seront soumises au même taux d’imposition sur les sociétés de 15 % (sauf dans les secteurs des télécommunications, des hydrocarbures et des services financiers, où le taux sera de 35%).

 

Les investisseurs étrangers désormais pourront rapatrier leurs dividendes et leurs bénéfices sans limitation

 

Toutes les entreprises seront également assujetties aux mêmes obligations en matière de respect de normes anti-pollution ou de consommation d’énergie. Les investisseurs étrangers désormais pourront rapatrier leurs dividendes et leurs bénéfices sans limitation, selon une procédure raccourcie et simplifiée, dans laquelle le pouvoir discrétionnaire de la Banque centrale sera strictement limité. Les opérateurs non-Tunisiens seront autorisés à exploiter des terres agricoles, mais ne pourront pas devenir propriétaires, même au travers des sociétés à participation étrangère minoritaire, comme cela avait été envisagé dans les premières versions du texte. Le recours à l’arbitrage international sera possible pour trancher des différends entre opérateurs étrangers et tunisiens. Le nouveau code met également en place une gouvernance simplifiée : un conseil tunisien de l’investissement, présidé par le Chef du gouvernement, chargé d’élaborer la politique de l’Etat, une Instance chargée d’accompagner les investisseurs, tandis que les structures sectorielles existantes seront réorientées vers des activités de prospection et d’appui technique, un Fonds unique remplacera les multiples fonds spécifiques actuels.

 

Rendre son attractivité à un marché tunisien au ralenti depuis 2011

 

Ce nouveau texte, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2017, est censé remédier aux maux qui minent l’économie tunisienne et fragilisent la stabilité politique. L’urgence, en particulier, est de rendre son attractivité à un marché tunisien au ralenti depuis 2011, où l’investissement ne représente que 20 % du PIB (contre 30 % au Maroc), auquel le secteur privé ne contribue qu’à hauteur de 61 % (contre 78 % au Maroc ou 85 % en Turquie) et les investissements étrangers, moins de 2%. Dans son rapport publié en 2014, La révolution inachevée, la Banque mondiale avait estimé que l’hypertrophie bureaucratique avait « créé un environnement […] plus en plus utilisé en tant que véhicule d’appropriation de la rente pour l’ancien président et ses proches ». « Les secteurs dans lesquels opéraient les sociétés de Ben Ali (tels que les télécoms, le transport aérien et maritime, le commerce et la distribution, le secteur financier, l’immobilier, et l’hôtellerie et la restauration) étaient assujettis de manière disproportionnée a des obstacles à l’accès » et « les quelque 220 entreprises connectées à Ben Ali et sa famille élargie s’accaparaient 21 % de tous les bénéfices annuels du secteur privé en Tunisie. » La simplification administrative devrait libérer les opérateurs économiques de cette logique de rente.

 

« Un signal aux investisseurs »

 

« Ce code intervient au bon moment pour envoyer un signal aux investisseurs, estime Khaled Ben Gharbia, membre du bureau exécutif de la CONECT, une organisation patronale. Il devrait apporter une plus grande souplesse dans la vie des entreprises, mais nous attendons les textes complémentaires et les décrets d’application. Pour évaluer l’ensemble du dispositif. Toutefois un code et un système d’incitations fiscales ne sont n’est pas suffisants pour attirer des investisseurs. Les entrepreneurs ont besoin d’une administration efficace, d’un gouvernement qui défendent les intérêts des entreprises et d’un climat social apaisé. La lenteur du trafic au port de Radès (le port marchand de la capitale), par exemple, où les navires peuvent rester bloqués deux à trois semaines, pose de sérieux problèmes. »

L’adoption du code, en préparation depuis 2012, a été précipitée en prévision de la tenue de la Conférence Internationale d’appui au développement économique, social et durable de la Tunisie, Tunisia 2020, les 29 et 30 novembre. Elle doit réunir les investisseurs et les décideurs politiques pour venir en appui au programme de développement 2016-2020 élaborée par le gouvernement.


 

 

Thierry Brésillon

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