On a vu des pagnes “ Made in Togo”, des champagnes et diverses machines “Made in Togo”, fruits de la créativité des jeunes entrepreneurs. Actuellement, c’est dans l’agroalimentaire que les jeunes entrepreneurs ont posé leurs valises. Grâce toujours à leur créativité, ce secteur est en plein épanouissement au Togo.
Selon le rapport de la Banque mondiale en date du 8 septembre 2016, le secteur agroalimentaire africain pourrait générer un marché de 1 000 milliards de dollars à l’horizon 2030, et à en croire le nouveau rapport «Growing Africa: Unlocking the Potential of Agribusiness» (NDLR : Croissance de l’Afrique : libérer le potentiel du secteur agroalimentaire), les systèmes alimentaires de l’Afrique, actuellement évalués à 313 milliards de dollars annuels à partir de l’agriculture, pourraient tripler si les gouvernements et les chefs d’entreprise procédaient à une refonte radicale de leurs politiques et de leur soutien au secteur, aux agriculteurs et aux exploitations agricoles, qui représentent ensemble près de 50 % de l’activité économique africaine. L’Etat togolais ayant alors pris conscience de l’enjeu économique de ce secteur ainsi que l’emploi qu’il peut générer s’est investi à travers le ministère du Développement à la Base, de l’Artisanat, de la Jeunesse et de l’Emploi des jeunes en initiant des projets de financement à l’endroit des jeunes entrepreneurs togolais. Ces projets portent déjà leurs premiers fruits, puisque les jeunes togolais commencent à s’y intéresser. Cela a été démontré lors de la 5è édition du Salon International de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire de Lomé (SIALO) qui s’est tenu du 17 au 21 août dernier au Centre Togolais des Expositions et Foires (CETEF) Togo 2000 et ayant pour objectif de promouvoir les produits agricoles locaux, le secteur de l’agriculture et l’agroalimentaire. Aujourd’hui, on retrouve une multitude de produits agroalimentaires fabriqués au Togo sur le marché local. Ceci quelques années après le lancement de l’ambitieux Programme national d’investissement agricole et de la sécurité alimentaire (PNIASA) financé à hauteur de 565 milliards FCFA dont l’une des trois composantes, le Projet d’Appui au Secteur Agricole (PASA) couvrant la période 2011-2016, se consacre au développement du secteur de la transformation des produits agricoles.
« Togo Timati », la purée de tomates fraîches made in Togo
«Tim Agro Sarl est spécialisée dans la transformation des produits vivriers en produits finis mis en bouteille et bien emballés. Nous faisons la purée faite à base de tomates fraîches que nous avons transformées et données le nom « Togo Timati », a expliqué Arthur Sossou, le responsable Marketing. A l’en croire, « Togo Timati » est un nom original (NDRL, Timati est le nom donné à la tomate en langue éwé) qui fait référence au pays où il est produit. « A l’étranger, on peut facilement reconnaître cette purée de tomates qu’elle vient du Togo », a-t-il précisé. A part « Togo Timati », la société transforme aussi d’autres produits entre autres les farines. Elle offre également des services de crédits alimentaires aux salariés et aux restaurateurs. Si le marché de l’agroalimentaire est en plein épanouissement au Togo, la consommation ne semble pas suivre le rythme. Mais pour Arthur Sossou il y a un certain engouement des consommateurs. « Sur le marché togolais la consommation des produits bio rentre progressivement dans les habitudes », constate-t-il.
« Krina » ou le Vin à base de fruits
« Krina », du vin fabriqué à base de fruits, œuvre d’un jeune étudiant togolais de l’Ecole supérieure de l’Agronomie de l’Université de Lomé. « Krina » est née le 1er janvier 2015. C’est un vin de fruits qui répond au besoin d’un vin authentique togolais, face à la pléthore de marque de tous genres importés. Par ailleurs, ce vin est une réponse, une initiative qui se veut une solution à l’abondance de fruits au Togo. « En période d’abondance de fruits, il y a la pourriture sur l’étalage de nos mamans alors que ces mamans se démerdent pour faire des prêts auprès des agences de microfinance et qui souvent ont du mal à rembourser. Donc, il se pose un problème de déboucher de fruits. On s’est dit pourquoi ne pas venir en aide à nos mamans en achetant et en transformant ces fruits en une boisson », nous a expliqué Kagni Kodjo Djiwonou, créateur de « Krina ». Aujourd’hui le vin « Krina » est une marque de vin fabriquée à partir d’un procédé de fermentation alcoolique bio très simple de fruits et du sucre. Ce qui lui donne une durée de conservation maximum de 5 mois. Un millier de bouteilles sont fabriquées par mois et commercialisées par la société African’shead, mise en place par l’entrepreneur. « D’ici deux ans, nous voulons que tous les Togolais aient « Krina » chez eux à la maison. Que notre vin entre dans les mœurs des togolais. Qu’à chaque mariage, baptême et fête, on retrouve notre vin. Notre ambition ne s’arrête pas seulement au Togo. Nous visons la sous-région », a-t-il indiqué.
L’agrobusiness togolais doit aller ‘au-delà des frontières !
Au Togo malgré l’engouement que suscite le secteur de l’agrobusiness depuis quelques années, beaucoup d’entreprises locales continuent à jouer le rôle de distributeurs des produits importés de l’Europe ou d’Asie. Tout cela n’est pas sans conséquences pour le secteur face à la rude concurrence. Désormais, les experts pensent qu’il faudra opter s’ouvrir vers l’extérieur afin de conquérir les marchés régionaux. «Dans le contexte actuel de la mondialisation, les marchés régionaux sont des opportunités pour l’agrobusiness. L’intégration des chaînes de valeur pourrait créer des possibilités pour les petits exploitants agricoles de rehausser leurs revenus de 10 à 100% selon certaines études. Cela impliquerait de la part pays africains une réduction des obstacles tarifaires et non-tarifaires qui entravent le commerce des produits sur le continent. Et le Togo fait déjà beaucoup d’efforts allant dans ce sens», a expliqué Marc Afangbedji, agronome togolais. Pour sa part, le ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de l’Hydraulique, Ouro-Koura Agadazi pense pouvoir conquérir la sous-région avec les produits togolais. «Le secteur contribuera au rayonnement de nos produits dans la sous-région à partir de notre capitale Lomé», a –t-il indiqué. Cependant, les produits agroalimentaires togolais font face à un autre défi majeur. C’est le manque de techniques de conditionnement. En effet, le constat est clair que les produits agroalimentaires locaux sont souvent de bonnes qualités mais résistent peu à la concurrence internationale du fait des techniques de conditionnement et surtout de l’emballage qui pourraient attirer la clientèle. «Nous avons pu constater que si le Togo a de très bon produits agroalimentaires tropicaux, ils ne sont pas connus à l’extérieur et sont peu exportables en raison des emballages. Voilà pourquoi, nous incitons les sociétés de transformation de produits agricoles à participer au salon international sur l’emballage qui se tiendra du 14 au 17 Novembre prochains en France afin de voir ce qui se passe dans le monde et de savoir à qui elles auront affaire comme concurrents», a expliqué Jacqueline Nastors, présidente de l’International Business and Manifestations for and with Africa (IBMA).
Une synergie d’actions pour contourner les challenges
Des opportunités remarquables pour le développement du marché et de l’agrobusiness existent au Togo. Et, les entrepreneurs en sont conscients. Cependant, la dure réalité est l’existence des défis importants au marketing et au développement de l’agrobusiness qu’il faudra surmonter. D’importants financements seront nécessaires pour engager le secteur de l’agrobusiness dans une voie plus efficiente et productive. «Le gouvernement togolais reste engagé à relever les défis liés au financement des chaînes de valeur dans le secteur agricole dans le cadre de la nouvelle politique agricole », a noté le ministre Agadazi. Et, selon certains acteurs de l’agrobusiness, il faudra aussi mettre en place une politique de coordination des activités du secteur avec l’appui des différents acteurs tels que les agriculteurs et les négociants mais aussi, les fournisseurs d’engrais, de pesticides et de semences ainsi que les entreprises rurales de services énergétiques, les transporteurs et les fabricants et finalement les fournisseurs de technologie et de financements ruraux. Déjà, le pays s’est engagé depuis 2013 à mettre en place les entreprises de services et organisations de producteurs (ESOP) qui constituent un maillon clé du développement des filières agroalimentaires au Togo. Elles associent les producteurs organisés et les entreprises privées de transformation d’une même filière agricole au sein d’une entité juridique unique dont toutes les parties sont actionnaires. En 2013, 17 ESOP ont vu le jour dans les filières de transformation du riz et du soja. D’ici fin 2016, 18 nouvelles ESOP sont prévues dans les filières miel, ananas, maraichage et céréales. «Le secteur de l’agrobusiness demande beaucoup d’investissements. Mais nos pays peuvent passer outre en optant pour une synergie des actions dans le secteur. Des champs jusqu’ à la transformation, tout peut être fait en synergie avec tous les acteurs cela permettra de contourner certains challenges» a souligné Agbokou Komi, promoteur de «Choco Togo», un chocolat bio «Made in Togo» qui fait ses preuves au-delà des frontières du Togo. Pour valoriser l’image des produits agroalimentaires locaux auprès des consommateurs togolais, les autorités togolaises ont opté pour une sensibilisation de masse à travers la distribution de plusieurs dizaines d’exemplaires d’un livret intitulé «les produits togolais dans vos assiettes» faisant la promotion de 193 produits agroalimentaires togolais.
Blamé Ekoué