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Sénégal Infrastructure, numérique, tourisme… Un hub régional ?

Fort de sa croissance, portée par les investissements, le Sénégal, quatrième économie de l’Afrique de l’ouest, s’affiche comme l’un des pays les plus solides de la sous-région. L’entrée dans la seconde phase du Plan Sénégal Émergent devrait se traduire par l’accélération des grands chantiers. Modernisation des infrastructures, diversification de l’économie, soutien aux PME… De quoi se confirmer comme un pôle d’attractivité, voir le hub régional ?

 

Par Dounia Ben Mohamed, à Dakar

 

Les Rencontres Africa, qui se tenaient, pour leur seconde étape, le 24 octobre à Dakar, ne pouvaient trouver meilleure actualité. Alors que les responsables du gouvernement et du secteur privé étaient tous à pied d’œuvre pour saisir l’opportunité de cet évènement pour promouvoir la destination Sénégal, le classement du pays dans le dernier rapport Doing Business 2020, publié le jour-même, leur apportera un argument de taille. En effet, le Sénégal, classé à la 123ème position sur 190 pays contre 141ème l’année précédente, gagne ainsi 18 places.

 

A la 16e place des économies d’Afrique Subsaharienne

 

Le rapport de la Banque Mondiale souligne ainsi les progrès « impressionnants » enregistrés par le pays de la Terranga qui gagne 59,3 points contre 54,4 dans le précédent. Ce, principalement dû à deux réformes majeures, à savoir l’augmentation de la base de données du bureau de crédits et la mise en place d’une plateforme électronique pour la déclaration et le paiement des taxes en ligne. «  Cette mesure a permis la réduction de la durée dans l’exécution des procédures, a expliqué Maria Antonia Gamez dans sa présentation des résultats du Sénégal lors de la publication du Doing Business 2020. De plus, le Sénégal s’est aussi distingué dans le raccordement à l’électricité, la création d’entreprise et les accords de prêts ».  Ce qui témoigne de « l’engagement du gouvernement pour améliorer la compétitivité et permettre un rôle plus actif du secteur privé » à travers des réformes structurelles engagées dans le domaine de l’énergie, des télécom ou de l’économie numérique. Félicitant le pays qui se positionne dès lors à la 16e place des économies de l’Afrique Subsaharienne, Maria Antonia Gamez recommande toutefois au gouvernement sénégalais de travailler à assurer davantage la protection des investisseurs minoritaires, l’exécution des contrats et règlements de l’insolvabilité.

 

« Le Sénégal est un pays extrêmement dynamique, avec un potentiel important, qui a l’émergence à portée de main »

Reste que le pays, qui doit connaître une croissance de 7,5% % en 2020, selon les perspectives du Fonds monétaire international, multiplie les bonnes notes ses dernières années. Avec une croissance au-dessus des 6% depuis 2014 ; une économie parmi les plus diversifiées de la région ; une amélioration du climat des affaires qui s’est traduite par 40 places de gagnées en six ans dans le Doing Business ; un Plan Sénégal Émergent soutenu par les bailleurs de fond ; la mise en œuvre de grands projets d’investissement ; sans oublier la stabilité du pays confirmée à chaque RDV électoral… Ainsi, dans une région impactée par le terrorisme et l’insécurité, le Sénégal, épargné, tire son épingle du jeu et fait figure de bon élève auprès des bailleurs de fond, tandis que son attractivité auprès des investisseurs internationaux grandit. La mise en service des gisements de pétrole et de gaz offshore, programmé en 2022, ouvre par ailleurs d’importantes perspectives d’accélération de la croissance pour ce pays « aux portes de l’émergence » selon une note du FMI. « Le Sénégal est un pays extrêmement dynamique, avec un potentiel important, qui a l’émergence à portée de main, observait récemment la cheffe de mission de l’Institution, Corinne Deléchat. Alors que « la croissance devrait passer à 7% en 2020 et 2021 avant de connaitre un nouvel élan avec le début de la production commerciale des hydrocarbures en 2022, souligne-t-elle, les perspectives économiques à moins terme restent favorables ».

 

 

« La réduction du taux de pauvreté devrait s’accélérer, de 34 % en 2017 à 31 % en 2020 »

 

Sa consœur, la Banque Mondiale est toute aussi optimiste quant à l’avenir du pays dont la marche vers la croissance inclusive, également, se confirme et s’accélère. « La réduction du taux de pauvreté devrait s’accélérer (de 34 % en 2017 à 31 % en 2020) et, à l’horizon 2020, la baisse du nombre de pauvres amorcée en 2016 devrait devenir plus rapide grâce au dynamisme du secteur agricole. Les services, les envois de fonds des migrants et les chantiers publics devraient permettre de faire reculer la pauvreté en milieu urbain, prévoit la Banque Mondiale.  Avec la poursuite des réformes engagées au titre du Plan Sénégal Émergent, les pauvres devraient progressivement accéder à des secteurs plus dynamiques et à valeur ajoutée, comme l’horticulture ou la transformation agricole. De leur côté, les programmes propauvres renforcés déployés depuis 2014-15 (y compris le système de protection sociale adaptative) devraient atténuer la vulnérabilité et permettre aux pauvres de se constituer une base d’actifs. »

 

De quoi confirmer les ambitions de Macky Sall, à peine réélu pour un second mandat_ dès le premier tour avec plus de 58% des voix lors de l’élection présidentielle, en février dernier_, lequel doit donner un coup d’accélérateur au Plan Sénégal Émergent, sa feuille de route qui vise à transformer en profondeur le pays d’ici 2030 et à améliorer les conditions de vie des populations. Et créer des emplois. Le défi majeur de ce pays dont la population, plus de 15 millions d’âmes, compte 45% de moins de 14 ans. Or selon les analystes, la croissance devrait atteindre les 7 à 8% pour créer des emplois nécessaires. De même,  selon un rapport du Fonds monétaire international intitulé « La course à la nouvelle frontière des revenus », datant de septembre 2018, la quatrième économie régionale (après le Nigéria, la Côte d’Ivoire et le Ghana) peut encore mieux faire en termes de compétitivité.

 

« Une dépendance encore trop forte vis-à-vis des investissements étrangers et des transferts de fonds de la diaspora ; un tissu industriel encore insuffisant pour valoriser sa production agricole ; un taux d’endettement qui dépassera les 107% du PIB en 2020 s’il se maintient à ce rythme… »

 

Et le FMI de pointer les points faibles du pays. A savoir une dépendance encore trop forte vis-à-vis des investissements étrangers et des transferts de fonds de la diaspora ; un tissu industriel encore insuffisant pour valoriser sa production agricole ; un taux d’endettement qui atteint 59,3% de son produit intérieur brut et dépassera les 107% en 2020 s’il se maintient à ce rythme… « Dans le cadre du Plan Sénégal émergent, les réformes du Programme de réformes de l’environnement des affaires et de la compétitivité ont été mises en œuvre, note pour sa part la Banque Africiane de Développement dans son rappport « Source: Perspectives économiques en Afrique (PEA) 2019. Dans le secteur agricole, elles visent à la simplification des procédures fiscales et la suspension ou l’exonération de certaines taxes. Dans le secteur de l’énergie, en 6 ans, divers investissements et réformes ont doublé la capacité installée qui atteint 1 250 M W en 2018. Le plan de bouquet énergétique a augmenté la production et réduit le prix de l’électricité de 10 %. L’opérationnalisation des zones économiques et des projets industriels a fourni aux entreprises des installations conformes aux normes internationales. Cependant, pour optimiser ces réformes, les autorités devraient renforcer le régime foncier et adapter le système éducatif aux emplois futurs. »

L’Institution souligne toutefois les avancées du pays en matière d’intégration régionale. « Le Sénégal a été l’un des premiers à adopter et à mettre en oeuvre le tarif extérieur commun de l’UEMOA, à signer l’accord de la zone de libre-échange continentale en Afrique et à mettre en oeuvre des réformes de facilitation portuaire pour rendre le port de Dakar plus attrayant et plus sûr, en ratifiant et en mettant en oeuvre des réglementations régionales adaptées. Le Sénégal a également construit des routes et des ponts afin d’assurer des liaisons avec la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Mali et la Mauritanie. En 2017, les exportations du Sénégal vers les pays membres de la CEAO représentaient 39,5 % des exportations totales et celles à destination des pays membres de l’UEMOA (30,3 %). »

 

629 millions de dollars d’IDE en 2018 ; 913 millions de dollars pour la « locomotive ivoirienne »

En attendant, l’heure est aux réjouissances en cette fin d’année 2019 à Dakar. L’inauguration fin octobre des Bus Rapid Transit (BRT) en grande pompe, confirme les ambitions du Sénégal. A savoir se positionner comme le hub régional. Et pas seulement sur le plan de ses infrastructures. Même si à ce niveau, les chantiers de modernisation se multiplient. Parmi lesquels le Train Express Régional (TER), allant de Dakar à Diamnadio, en 45mn. Au niveau du numérique, très avancé dans le pays, du tourisme également pour la destination Sénégal qui se renouvelle avec l’arrivée de nouvelles chaînes hôtelières internationales et Air Sénégal qui gagne de nouvelles ailes ; en termes de plateforme des investissements dans la région également. Mettant en avant sa stabilité_ le pays a connu trois grandes alternances politiques, toutes pacifiques, depuis son indépendance_, le Sénégal vient ainsi concurrencer la « locomotive ivoirienne » dont le contexte socio-politique perturbé par l’élection tant attendue, et imprévisible, de 2020, donne au Sénégal la latitude pour prendre le dessus sur sa vieille rivale. Qui reste toutefois la destination privilégiée pour les IDE avec 913 millions de dollars (543,75 milliards Fcfa) enregistrés en 2018 contre 629 millions de dollars pour le Sénégal qui enregistre tout de même une hausse de 7,2% en un an. Et si les récentes découvertes pétrolières et gazières confirment leur potentiel, ce qui devraient renflouer les caisses d’un État relativement endetté et attirer de nouveaux investisseurs dans le paysage local, les grands chantiers de l’émergence pourront se poursuivre. Déjà, Diamniadio, vitrine de Sénégal Émergent, en donne un aperçu…

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