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Parcours Samia Cherif La communication au service de la démocratie

Maîtresse dans l’art de la communication, Samia Cherif, a créé sa propre agence Ecomevent après avoir travaillé pour plusieurs entreprises. Une structure qui édite aujourd’hui l’édition Maghreb du Huffington Post. Portrait.

 

Par DBM

Fille de diplomate, Samia Cherif a parcouru l’Europe pendant son enfance et son adolescence avant d’être prise « d’une crise identitaire » à l’âge de 18 ans. « J’ai décidé de rentrer faire mes études supérieures en Tunisie afin de mieux connaître mon pays, à l’inverse du parcours habituel. J’ai entamé un cursus à l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales (HEC) de Carthage, et j’en garde un magnifique souvenir. Cela m’a permis de me reconnecter à mon pays, de renouer avec des contacts et surtout de m’immerger dans la réalité tunisienne. A la base, je rêvais de devenir chanteuse. Mon père m’a sagement conseillé à l’époque de commencer d’abord des études et de voir par la suite. C’était vraiment clairvoyant car mes talents de chanteuse étaient limités ! ».

L’entreprenariat chevillé au corps

Pleine d’humour, Samia n’a pas choisi l’entrepreneuriat par accident. « Une fois diplômée, j’ai intégré le siège d’une importante chaîne hôtelière et me suis occupée de la communication de dix-sept hôtels sur l’ensemble du territoire tunisien. J’ai également développé, durant sept ans, des séjours touristiques à thème axés sur le golf, la plaisance, la plongée, la culture (visite des sites archéologiques). J’ai ensuite intégré Canal+ Horizons où j’ai été directrice du marketing, de la communication presse et de la régie publicitaire durant huit ans. À cause du piratage intensif, les dirigeants de Canal+ ont décidé de fermer leurs filiales en Afrique du Nord. Forte de cette expérience, l’idée m’est alors venue de monter une agence d’évènementiel, Ecomevent, une structure inédite en Tunisie. Lors de mes fonctions à Canal, je devais chaque mois organiser un événement par mois pour notre Club des abonnés. Je me suis alors aperçue de l’absence de structure spécialisée dans ce secteur en Tunisie. Sans hésiter, j’ai développé une offre d’organisation d’événements pour des entreprises, notamment étrangères, mais aussi des festivals. Ainsi, lors de répétitions, il m’arrivait de prendre le micro pour chanter. Mes équipes applaudissaient pour me faire plaisir. Avec le temps, j’ai ajouté en 2006 une nouvelle activité : les relations publiques (RP) et avec les médias. »

« Les médias jouent un rôle essentiel dans une démocratie »

Au fur et à mesure, elle devient la directrice générale de Huffpost Maghreb, un média dont sa société est également l’éditrice. « Même si je ne suis pas journaliste, j’ai souvent côtoyé les médias durant mon activité RP à Ecomevent, l’avènement de la révolution et la démocratisation de l’espace politique tunisien m’a amené à m’intéresser aux médias. En effet, lorsque Beji Caid Essebsi, actuel président de la République tunisienne, avait pris ses fonctions comme Premier Ministre, son chargé de communication, Moez Sinaoui a fait appel à moi pour l’aider à installer une cellule de communication. Durant neuf mois, j’ai bénévolement travaillé tous les matins à la Kasbah [NDLR : lieu de la primature] et l’expérience fût pour moi révélatrice à plusieurs niveaux. En premier lieu, j’ai compris le rôle des médias dans une démocratie. Ensuite, comme la liberté d’expression n’existait pas sous Ben Ali et même Bourguiba, aucun journaliste n’avait exercé réellement son métier. Au lendemain de la révolution, l’amateurisme battait son plein. Lorsqu’il m’a été proposé de monter le projet du média international Huffpost Maghreb, je n’ai pas hésité une seconde. Mes deux missions principales : veiller à l’indépendance de la rédaction, et vérifier les sources et le respect de la déontologie. Aujourd’hui, notre ADN demeure celui d’un média indépendant, non partisan, sérieux et qui milite en faveur des minorités quelles qu’elles soient ».

Les Tunisiennes, fer de lance du féminisme

Et parmi les minorités, les femmes. Or, si la situation de la femme au Maghreb diffère d’un pays à l’autre, et évolue, à la fois en Tunisie, où elle a un statut privilégié et historique, mais également au Maroc où les choses avancent sur le plan législatif. Il reste néanmoins de nombreux combats à mener. « Je préfère parler de la Tunisie que je connais mieux. Nous avons eu la chance dans notre histoire récente d’avoir eu de grands dirigeants tels que Tahar Haddad ou Habib Bourguiba, qui ont beaucoup fait pour la condition féminine et ont considérablement réduit les inégalités entre hommes et femmes. Aujourd’hui, quand je vois la différence entre ma grand-mère, ma mère et moi-même, je mesure l’avancement du progrès accompli. Les femmes tunisiennes disposent aujourd’hui d’un statut exceptionnel avec des droits uniques dans le monde arabe. Et nous ne dormons pas sur nos lauriers, nous continuons à nous battre ! Avec la commission nommée par le président de la République pour travailler sur les libertés individuelles, la Colibe, nous avons même touché à un sujet jusqu’ici tabou dans nos pays : l’égalité au niveau de l’héritage. Le débat est ouvert, et nous espérons sincèrement influencer nos voisins du Maghreb concernant cette question  ».

La bienveillance et la solidarité pour renforcer le leadership féminin

Selon Samia Cherif, les médias jouent un rôle essentiel dans la valorisation et la promotion du leadership féminin, mais pas seulement. « Le leadership se renforce par lui-même grâce à l’éducation des femmes. Aujourd’hui, en Tunisie, plus de 60% des étudiants sont des femmes. Le leadership se renforcera davantage dès lors que nous arriverons à convaincre les hommes du bienfait de celui-ci ».

Mais le premier combat à mener, souligne Samia, est envers soi-même. « N’essayez pas de ressembler aux hommes, assumez votre féminité et vos atouts, soyez rigoureuse et surtout, ayez de l’empathie ! » recommande-t-elle à ses consœurs. Avant de conclure : « il faut qu’il y ait plus de solidarité et de bienveillance entre les femmes pour les encourager à devenir les leaders de demain ».

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