Parcours Jessica Medza Allogo « Nos produits sont africains, je veux qu’ils soient consommés en Afrique »
Avec Ses petits Pots de l’Ogooué, Jessica Medza Allogo, ingénieure en pétrochimie, fait découvrir les trésors méconnus du terroir gabonais à travers le monde. Une activité entrepreneuriale née par hasard, d’une simple gourmandise.
Par DBM
Il y a quelques années encore, Jessica Medza Allogo était loin d’imaginer que sa gourmandise serait à l’origine d’une activité entrepreneuriale florissante. « J’ai un parcours plutôt atypique. Je suis ingénieur en pétrochimie. J’ai travaillé pendant dix ans pour le groupe Total. Je suis tombée dans la bassine à confiture un peu par hasard. » Ou par passion.
Alors qu’elle travaille pour le compte du groupe pétrolier français, Jessica est expatriée en Birmanie. Un ami, pour lui faire plaisir, et connaissant sa passion dévorante pour les mangues, lui offre à son retour un cageot de 40 kg. « Le cadeau empoisonné ! Qu’est-ce que je vais en faire ? Je mets les mangues au frais. Bien sûr, certaines étaient trop mures donc je pense en faire des confitures. C’était la première fois, alors je regarde sur internet. Ce jour-là, ma mère rentre du marché avec des fruits de la passion. J’avais de la vanille ramenée de l’Île Maurice et un petit fond de rhum de Cuba. Plus que la confiture, c’est l’idée de faire le tour du monde qui m’intéressait avec ces différents produits rapportés des quatre coins du monde. Je l’ai d’ailleurs appelé le Tour du monde dans un pot de confiture. » Ces petits pots, préparés avec passion et amour, sont offerts à son entourage qui très vite en redemande. « Un autre jour je me retrouve avec des ananas trop mûrs que je transforme à nouveau en confiture. J’en donne également. Quelques mois plus tard, une copine organise une exposition. Je me dis pourquoi ne pas y vendre mes confitures. Tous les pots sont partis en quelques heures. Des personnes m’ont contactée pour en redemander. Je me suis retrouvée à me coucher tous les jours à 4 heures du matin pour éplucher des fruits. Là, je me dis pourquoi ne pas en faire un business. J’ai quitté mon emploi pour monter ce projet. »
« Je valorise les produits du terroir ce dont les Gabonais sont très fiers »
Cette entreprise d’agro-alimentaire basée au Gabon, baptisée les Petits Pots de l’Ogooué, du nom d’une rivière qui traverse le Gabon, porte l’ambition de valoriser les trésors méconnus du terroir local. « On les transforme en confiture artisanale. C’est donc un produit d’épicerie haut de gamme avec une très forte teneur en fruit, 75%. Aujourd’hui, nous avons une collection de 11 saveurs permanentes. Ananas, mangues… et on étend notre gamme de produits avec des épices dont du poivre de Penja, très réputé au Cameroun. Je travaille avec des petits producteurs locaux. J’essaie d’apporter de la valeur à ces fermiers qui font face à des pertes post-récoltes fautes de débouchés. Moi, je rachète ces fruits qu’ils cultivent avec passion, je les transforme et les sublime avec mes petits pots de confiture. »
Si l’affaire roule aujourd’hui, les débuts, admet Jessica, auront été « chaotiques ». « J’ai tout de suite voulu agir dans le formel. Pour me prendre au sérieux. J’ai donc créé l’entreprise. Dans mon entourage j’avais une personne sans emploi qui avait travaillé dans la restauration, et qui m’a rejoint. Nous étions donc deux au départ. Et les débuts ont été très chaotiques. Nous n’avons pas d’emballage en Afrique donc je vidais des pots de mayonnaise que je faisais stériliser pendant que ma femme de ménage allait vendre la mayonnaise sur les marchés, j’écrivais les étiquettes à la main. Voilà comment cela a démarré. Même si ce n’était pas parfait, je me disais qu’avec le temps on allait s’améliorer. Surtout parce que les gens ont très vite adhéré. On avait du succès même si le packaging n’était pas sexy. On a gagné de plus en plus de clients et de notoriété. Les clients étaient fiers de voir qu’on était capable de faire des produits en Afrique aussi beau qu’en Europe. Je valorise les produits du terroir ce dont les Gabonais sont très fiers. »
« Comment se faire connaitre à l’international ? Comment étendre son marché ? Comment toucher la presse ? Ce sont nos challenges »
Résultat, dès la première année d’exercice fiscal, la jeune entreprise fait 60 millions de chiffre d’affaires. Uniquement sur le marché local. « Le Gabon est un petit marché, un 1 million d’habitants, nous sommes sur une niche. Mais je suis fière de nos résultats. J’ai beaucoup voyagé avec mes produits. Une chose dont je suis convaincue, c’est qu’on fait la différence. Partout où l’on va, tout le monde adhère parce que ce sont des produits de qualité, fait avec passion et engagement. Pour moi, ça fait la différence entre deux produits ».
Aujourd’hui, bien implantée localement, l’entreprise doit faire face à un nouveau défi, accéder aux marchés internationaux. « Nous sommes confrontés à beaucoup de problèmes que les entrepreneurs africains connaissent. Des problèmes de logistiques notamment. Comment envoyer nos produits dans d’autres pays africains ? J’ai par exemple des clients au Nigéria, il n’y a pas de routes, ni de bateaux entre nos deux pays. L’avion, trop cher, n’est pas une option. Comment se faire connaitre à l’international ? Comment étendre son marché ? Comment toucher la presse ? Ce sont nos challenges. Mais on y travaille activement. »
« Nous sommes un produit africain et je veux que mes produits soient consommés en Afrique. »
Aller à la conquête du monde, c’est l’ambition de Jessica. Mais en commençant par et pour son continent. « Nos produits sont africains et je veux qu’ils soient consommés en Afrique. On a un pouvoir d’achat. On veut consommer des produits de qualité. Je veux que mes confitures soient mangées au Lesotho, au Sénégal, au Cameroun. Parce que je suis panafricaine ! »