Numérique « Les femmes peuvent changer le monde…Elles changent déjà l’Afrique ! »
Défi osé mais pari relevé pour la première édition africaine de la Journée de la femme digitale. Le « rendez-vous international incontournable pour célébrer l’innovation au féminin », qui se tenait à Dakar les 13 et 14 juin, aura démontré, par une série de témoignages de femmes entrepreneures dans le numérique, que renforcer la présence des femmes dans le secteur du numérique, est vecteur de changement. Un processus plus qu’en marche sur le continent…
Par Dounia Ben Mohamed, à Dakar
« Au Sénégal, les femmes ont déjà pris le pouvoir ». A peine commencé, le ton de la première édition africaine de la Journée de la Femme Digital (JFD), qui se tenait le 13 juin à Dakar, est donné par le maire de la ville, Soham Wardini. Et d’argumenter ainsi : « Nous avons depuis ce matin la première femme gouverneur du Sénégal, moi-même, la première femme maire de Dakar… Sur la scène politique, économique, sociale, les femmes sont impliquées et changent notre société. » Ce qui n’est autre que le slogan de la JFD.
« Le premier continent de l’entreprenariat féminin peut inspirer le monde »
Le « rendez-vous international incontournable pour célébrer l’innovation au féminin », co-fondé en 2013 par Delphine Remy-Boutang, CEO the bureau, ambitionne de mettre en «lumière et connecter les femmes qui s’emploient à révolutionner le monde grâce au digital». Et pour le prouver, chaque année depuis sept ans, une Journée est dédiée à ces femmes qui ont non seulement réussi mais également transformé leur environnement, grâce au numérique. Une tendance encore plus visible en Afrique. «Le premier continent de l’entrepreneuriat féminin» dans le monde rappelle Delphine, susceptible à ce titre, d’« inspirer le monde ». D’où l’idée d’organiser une première édition africaine de la JFD. Un pari ambitieux, mais relevé, le 13 juin dernier à Dakar.
« Le numérique, c’est les femmes. A l’origine, le code est un langage et c’est une femme qui l’a créé, Ada Lovelace… »
« Si on est réuni aujourd’hui c’est pour parler d’un sujet très important, la place de la femme dans le secteur du numérique. Aujourd’hui, les femmes sont sous représentées dans ce secteur qui représente pourtant le secteur du futur, déplorera Delphine à l’ouverture avant d’inviter les participants, plus de 600 personnes originaires des deux continents, du secteur privé comme du public et de la société civile, « à vivre une journée inspirante qui va vous donner des ailes pour entreprendre, innover, networker ». Adressant à ses sœurs au passage un message : « Les femmes ont plus tendance à faire qu’à montrer ce qu’elles font. Aujourd’hui, c’est notre moment à nous les femmes. Plus que jamais c’est un moment important pour être une femme, le numérique a besoin de nous ! »
Petit rappel historique de circonstance : « Le numérique, c’est les femmes. A l’origine, le code est un langage et c’est une femme qui l’a créé et elle s’appelait Ada Lovelace, inventeuse du code informatique au 19ème siècle, et sont arrivées par la suite ces femmes dans la Nasa, les calculatrices, qui ont contribué aux premiers pas de l’homme sur la lune, parmi « ses femmes de l’ombre », Margaret Hamilton. » Et pour rendre à Margaret l’honneur qui lui revient, des prix seront remis en fin de journée. Le prix Margaret Afrique 2019 à Arielle Kitio, fondatrice de Caysti, qui œuvre pour former les leaders de la technologie de demain. Ainsi qu’un prix Margaret d’honneur à Rebecca Enonchong, fondatrice d’Apps Tech, l’un des principaux fournisseurs mondiaux de solutions d’applications d’entreprise et Présidente du conseil d’administration d’Afrilabs. « Le Margaret d’honneur, c’est pour les vieilles, ironisera Rebbeca. Je suis en effet une vieille dans la Tech. Et cela me fait plaisir d’être la première Margaret d’honneur. C’est une immense responsabilité. Quand j’ai commencé mon entreprise en 1999, aux USA, il n’y avait aucune femme entrepreneur dans les technologies, noire, africaine, dont je pouvais m’inspirer. Des plateformes comme la JFD sont importantes pour inspirer des milliers de nouvelles Rebecca qui vont réussir dans le secteur du numérique. Il est important de dire aux jeunes filles que, vous aussi, vous pouvez transformer le monde, en transformant votre environnement. On est capable de le faire. Le futur et l’avenir de notre continent est entre nos mains !»
Des applications qui sauvent des vies
Elles existent déjà les « nouvelles Rebecca », actrices de changement pour leur communauté. Parmi elles, Nafissatou Diouf, saisira l’auditoire, par son jeune âge, son ambition, et surtout sa détermination. « Au Sénégal, nous sommes confrontés à énormément de problème de santé public. Un des problèmes, la prise en charge des urgences. Combien de diabétiques meurent parce qu’on leur a perfusé une solution de glucose ? J’ai perdu une personne qui m’était très chère, ma tante, et je ne suis pas la seule dans ce cas. Pour éviter à d’autres de vivre ce que j’ai vécu, j’ai créé Senvital ». Fondée il y a deux, la start-up, qui emploie déjà dix personnes, grâce à un simple sytème de code-barre intégré à un objet aussi insolite qu’un bracelet ou un pendentif, permet aux professionnels de la santé de scanner le dossier médical d’un patient. En somme de sauver des vies.
Incontestablement une des caractéristiques de l’entreprenariat féminin en Afrique, où entreprendre n’est pas un choix mais quelque chose d’innée dans ces cultures où dès son plus jeune âgé la fillette est programmée à être multitâche et servir sa famille, son village, sa communauté. Elle en devient ainsi une adulte polyvalent, consciente des besoins de ses pairs et soucieuse d’y apporter des réponses. Le résultat, à l’ère de la révolution numérique, des entrepreneuses digitales qui transforment le quotidien de leur communauté en apportant des solutions aussi simple qu’efficace à des problèmes réels.
« On peut investir tout l’argent du monde, si on ne travaille pas sur les fondamentaux, l’éducation, on intervient au niveau des feuilles et non des racines. »
Mais pour aller encore plus vite, dans un continent où les fillettes n’ont pas toujours accès à l’école et donc au savoir, la priorité reste la formation insistera la Margaret de l’année, Arielle Kitio. « Nous parlons d’innovation, de technologie, de start-up, mais alors que les robots sont en train de muter le monde de l’emploi de demain, est ce que nos enfants sont prêts ? On peut investir tout l’argent du monde, si on ne travaille pas sur les fondamentaux, l’éducation, on intervient au niveau des feuilles et non des racines. » C’est ainsi que « la codeuse » de son surnom, travaille, à la base, et a initié plus de 6000 enfants au codage.
Un processus qui ne pourra se faire sans les hommes, conviés à la manifestation. Parmi lesquels, Babacar Thiam, directeur IMB Afrique. « La femme chez IBM c’est crucial. Hasard du calendrier, au moment où nous parlons, IBM est en train d’honorer 40 femmes du monde entier, qui opère dans l’Intelligence Artificielle, dont une Africaine, Sud-Africaine plus précisément. Pour nous aujourd’hui, il est important d’accompagner les femmes dans l’adoption de la technologie. Ce que nous faisons tous les jours. Mais il y a encore beaucoup à faire, notamment en Afrique où elles jouent un rôle crucial. Dans l’innovation, le boulevard est ouvert, il faut y allez, il faut osez ! » A leur adresse, une plateforme, IBM digital innovation Africa, gratuite, dotée de 70 millions de dollar, avec un target de 25 millions d’Africains dans tous les segments de la société. « Allez-y c’est gratuit et dédié à l’Afrique. Elle a vocation à aider l’Afrique à se digitaliser. Car l’Afrique de demain c’est le digital ! »
« Donner aux femmes leur juste place dans le numérique, c’est donner au monde une véritable chance de relever ces grands enjeux »
Une certitude partagée par Delphine Remy-Boutang. « Les femmes entrepreneurs dans le digital doivent être aujourd’hui les nouveaux modèles de réussite. Les Nanas Benz – les célèbres femmes d’affaires des années 70 en Afrique – ont ouvert la voie pour d’autres femmes. Nous souhaitons bâtir des ponts entre nos deux continents. Mettre en réseau ces nanas digitales ! Ces femmes leaders africaines et européennes imaginent et mettent en œuvre des solutions concrètes et participent activement à la croissance économique. Donner aux femmes leur juste place dans le numérique, c’est donner au monde une véritable chance de relever ces grands enjeux. »
Alors que seuls 2,2% des financements provenant des fonds d’investissements mondiaux profitent aujourd’hui aux femmes, reste à mettre en place l’écosystème dans lequel elles vont être accompagnées. Ce qui a d’ores et déjà été entrepris dans un certain nombre de villes du continent. A commencer par Dakar, ville pionnière dans le développement du numérique (Lire https://www.africanewsagency.fr/reportage-dakar-ville-connectee-en-faveur-de-lentreprenariat-feminin/). La journée du 14 juin, les participants de la JFD seront ainsi invités à découvrir l’écosystème numérique dakarois au cours de la JFD Learning Expedition organisée avec Orange-Sonatel. Un parcours de rencontre et d’échanges avec les acteurs « connectés » de la ville…
Revivre la JFD Dakar en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=8_-y7J-hbtA&list=PLF-60CzQxjRmx4RFX9x0dp4UCxT-hxj9W
Pour plus d’information :http://lajourneedelafemmedigitale.com