Issiaka Konaté (à gauche) en compagne du président ivoirien, Alassane Ouattara, crédit photo DR
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Migrants : Pas de solutions sans l’Afrique !

Ils seraient plus de 22 000 à avoir péri en tentant de franchir la Méditerranée, depuis 2000. Les drames successifs, entre 2014 et 2015, ont fait dire au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés que cette tragédie était « une hécatombe jamais vue en Méditerranée ». De toutes les routes connues de migration au monde, elle est devenue la plus meurtrière, un vaste cimetière à ciel ouvert de 2 510 000 km2. Plus de 8 fois la taille de mon pays, la Côte d’Ivoire, dont certains des ressortissants se sont aussi pris au jeu mortel d’une traversée au péril de leur vie.

Issiaka Konaté (à gauche) en compagne du président ivoirien, Alassane Ouattara. Crédit photo DR

Combien sont-ils réellement à tenter, par tous les moyens, de rejoindre d’autres horizons, de cette manière ? Chaque jour, dans les médias, ce sont des images de ce drame qui fait appel à notre conscience humaine, à notre sens de la solidarité et qui nous engage dans un combat contre l’inconnu. En tant qu’Africain, soucieux du devenir de notre continent et de sa jeunesse à la recherche d’un bien être bien souvent hypothétique, la question nous interpelle.

 

La Côte d’Ivoire, mon pays est un pays ouvert, avec un taux d’immigration réputé proche des 25%. Les Ivoiriens avaient une tendance sédentaire jusqu’après les premières crises économique de 1990. Après, ce fût une migration en dents de scie qui connaîtra une augmentation substantielle après les différentes crises politiques que le pays a connues.

Si nous devons reconnaître que l’Afrique a sa part de responsabilité dans ce nouveau phénomène, nous devons aussi admettre une part non négligeable de l’Occident. Ce partage de responsabilités explique pourquoi la solution ne peut être que concertée. Du processus de Rabat à la Stratégie de Dakar, un cadre a été défini pour encourager la migration régulière, décourager la migration irrégulière et renforcer les synergies entre migration et développement. Cette collaboration doit se poursuivre et déboucher sur une conférence des chefs d’Etats au sein de l’Union Africaine afin de parler d’une même voix face à l’Union Européenne dont la responsabilité a été aussi clairement reconnue. Si l’instabilité des pays d’origine, l’absence de perspectives pour les migrants dans leur pays, les réseaux d’exploitation de la misère humaine qui amènent tant de vies à la dérive sont autant de raisons qui ont fortement joué sur le phénomène migratoire, le manque de coordination de la politique européenne n’a pas permis d’avoir une réponse concertée. En tout état de cause, au regard des insuffisances de part et d’autre, seule une meilleure coordination, dans un dialogue entre les pays d’origine et les pays de destination  pourrait aider à s’attaquer aux causes profondes de ce drame des temps nouveaux. Ainsi le président de la République de Côte d’Ivoire, Son Excellence monsieur Alassane Ouattara s’est clairement exprimé en faveur d’une telle initiative. D’abord lors du Forum de la diaspora ivoirienne, le 7 mai 2015, au Sofitel Abidjan Hôtel Ivoire, mais ensuite récemment à Libreville en ces termes :

« Il faut régler le problème à la racine : nous, les responsables africains, nous devons prendre les mesures nécessaires par rapport à notre jeunesse…Nous devons leur offrir des emplois, des conditions de vie meilleures et faire en sorte que cette jeunesse s’épanouisse sur le continent… Nous avons notre part de responsabilité, mais l’Occident, notamment l’Europe, doit apporter un soutien aux pays africains pour leur permettre de se développer ».

Le chef de l’Etat a aussi regretté« la baisse de l’aide au développement et la timidité des entreprises européennes ».

En attendant que des solutions acceptées des parties concernées puissent voir le jour, l’Afrique doit continuer de faire de la Libre circulation et l’intégration des peuples africains une réalité. Cette liberté de mouvement existe déjà au niveau de la Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), mais elle doit s’étendre aux pays d’Afrique Centrale de l’Afrique Australe.

Ensuite, les politiques de retour et d’aide à la réinsertion des migrants doivent être égales ou au mieux coordonnées. Les opportunités d’emploi doivent se dégager pour les jeunes et les fonds d’appui aux projets (cas de la Côte d’Ivoire) sur le continent devraient faire l’objet d’une attention particulière des pays de destination.

Quant à l’Europe, elle a renoncé à l’opération de sauvetage en mer, Mare Nostrum, qui était en vigueur d’octobre 2013 à octobre 2014. Cette opération, qui aux dires des spécialistes coûtait 9 millions d’euros mensuels, a permis de sauver 150 000 vies, selon la marine italienne qui la pilotait. Son réseau s’étendait jusqu’aux côtes libyennes. En lieu et place, l’Europe a lancé l’opération Triton, dès novembre 2014. Cette dernière ne bénéficie que de 3 millions d’euros mensuels et est menée par l’Agence de Contrôle des Frontières Extérieures, Frontex. Elle reste toutefois dans les eaux territoriales européennes et fait essentiellement de la surveillance.

L’actualité récente nous montre que ces mesures seules ont leurs limites et qu’une plus large concertation s’impose. La prochaine réunion de préparation du sommet de Valette sur la migration prévue dans le mois de septembre à Bruxelles est une énième occasion pour proposer des solutions acceptables des parties concernées.

Il n’est pas envisageable, en mon sens, qu’une solution puisse être trouvée sans associer l’Afrique, ou les pays d’origine. Le continent africain souffre d’instabilité, mais a aussi ses particularités. Toute solution proposée par l’Occident seul, sans tenir compte de ces spécificités locales, est destinée à l’échec. D’ailleurs, l’actualité actuelle prouve bien les limites de telles « solutions ». Nous nous trouvons à présent en face d’un phénomène dont la clé est, et demeure, dans les mains des décideurs politiques des continents les plus concernés. Il faut combattre le phénomène à la base et s’attaquer ensemble aux causes profondes afin que les solutions prennent en compte les réalités des pays d’origine pour une plus grande efficacité.

En Côte d’Ivoire, le gouvernement propose des fonds pour appuyer les projets des jeunes et a aussi créé une agence destinée à répondre à la problématique de l’emploi des jeunes. Une aide a même été accordée aux Ivoiriens de l’extérieur en détresse et qui souhaitent revenir en Côte d’Ivoire. Un centre d’accueil des migrants a vu le jour, financé par la CEDEAO et l’Espagne. Toutes ces mesures ne seront efficaces que dans un dispositif global où chaque cause est traitée en profondeur avec les avis des premiers concernés.


 

Par Issiaka Konaté, Directeur des Ivoiriens de l’extérieur, une administration sous la tutelle du ministère de l’Intégration, en charge des questions liées à la diaspora

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