Méditerranée La société civile mobilisée
Fruit d’une initiative du président de la République Emmanuel Macron, le Sommet des deux rives, Forum de la Méditerranée, s’est tenu à Marseille les 23 et 24 juin. Au terme d’un exercice inédit de consultation de la société civile méditerranéenne, il avait pour ambition de relancer la dynamique de coopération en Méditerranée occidentale par la mise en œuvre de projets concrets en faveur du développement humain, économique et durable dans la région. Quel bilan ?
Par Bilkiss Mentari
« J’ai annoncé en début d’année à Tunis l’organisation d’un Sommet des deux rives, qui serait construit sur la base de l’actuel dialogue 5+5 de manière encore plus inclusive, avec une forte contribution des sociétés civiles […]. Il nous faut retrouver le fil d’une politique méditerranéenne différente en tirant les enseignements de ce que nous avons réussi et de ce que parfois nous ne sommes pas parvenus à faire. » C’est ainsi que, le 27 août 2018, à l’occasion de la traditionnelle Conférence des ambassadeurs à Paris, que le président français annonçait l’organisation du Forum de la Méditerranée. Un peu moins d’un an plus tard, les 23 et 24 juin, le palais du Pharo, à Marseille, accueillait ce « Sommet des deux rives » en présence des ministres des affaires étrangères de dix pays du bassin méditerranéen ainsi que des acteurs de la société civile. Les « 5+5 », à savoir cinq pays de la rive nord (Espagne, France, Italie, Malte et Portugal) et autant pour la rive sud (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie). Pour la société civile, « l’assemblée des 100 » a réuni dix chefs de délégation pour chaque pays.
« Ce n’est pas seulement un dialogue entre les gouvernements. Il doit inclure la société civile »
Un RDV qui se voulait d’un genre nouveau : Au terme d’un exercice inédit de consultation de la société civile méditerranéenne, il avait pour ambition de relancer la dynamique de coopération en Méditerranée occidentale par la mise en œuvre de projets concrets en faveur du développement humain, économique et durable dans la région. « Cela fait longtemps que nous essayons de bâtir une politique méditerranéenne », souligne le président de La République. « Il y avait eu il y a un peu plus de dix ans une tentative avec l’Union pour la Méditerranée, à chaque fois on se prend dans les divisions, ce qui fracture la région méditerranéenne. Là, on a décidé de repartir sur un format peut-être plus simple, 5+5, en sortant peut-être des conflits qui peuvent exister dans la partie orientale de la Méditerranée, et en essayant d’adopter une méthode un peu différente : ce n’est pas seulement un dialogue entre les gouvernements. Il doit inclure la société civile ». Une méthode au service d’un multilatéralisme plus inclusif, plus efficace.
Inscrit dans le cadre du Dialogue 5+5 Méditerranée qui réunit cinq États de la rive sud de la Méditerranée (la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Libye) et cinq États de la rive nord (le Portugal, l’Espagne, la France, l’Italie et Malte), ainsi que l’Union européenne, l’Allemagne, mais aussi les organisations pan-méditerranéennes et les principales organisations économiques internationales présentes dans la région, la rencontre aura ainsi tenue ses promesses. En amont déjà. « Les Cent », autrement dit cent personnalités de la société civile de la Méditerranée occidentale, sélectionnées par chaque État participant, et conduit par la tunisienne Ouided Bouchamaoui, ancienne présidente du patronat et lauréate du Prix Nobel de la Paix, ont mis en place un comité de pilotage dont les travaux sont coordonnés par la cheffe de file tunisienne, et coordonnés les forums préparatoires thématiques. Ces derniers ont eu lieu en amont du Sommet de Marseille autour de cinq thématiques : les énergies ; la jeunesse, l’éducation, la mobilité ; l’économie et la compétitivité ; la culture, les médias, le tourisme ; l’environnement et le développement durable. Un exercice de synthèse de trois mois qui se sera conclu par « l’Assemblée des Cent », les 11 et 12 juin à Tunis où les doléances des sociétés civiles ont été répertoriées et présentées lors du Sommet.
« Faire renaître une politique méditerranéenne forte »
Lequel s’est traduit par une réunion des chefs d’État et de gouvernement d’Europe et d’Afrique et un dialogue régional avec les représentants de la société civile. Pour, in fine, « poser les bases d’un dialogue autour des enjeux géopolitiques du pourtour méditerranéen et d’appeler les chefs d’État et de gouvernement » selon le communiqué du Quai d’Orsay à faire « renaître une politique méditerranéenne forte », après l’échec de l’Union pour la Méditerranée (UpM) fondée en 2008 par la France, balayée par le printemps arabe et les divisons entre les pays concernés, à travers la réalisation de projets communs. Selon une feuille de route présentée à la clôture du sommet et baptisée la « Déclaration de Marseille ».
« Nous avons aussi le sentiment que le moment est venu de donner à nos relations une nouvelle dynamique et impulsion en Méditerranée occidentale, lesquelles se veulent complémentaires des autres initiatives et leur apportent une véritable valeur ajoutée. Dans cet esprit, nous avons lancé un processus innovant, que nous souhaitons inscrire dans la durée, en utilisant une approche tripartite, de nature participative, qui associe aux États et aux partenaires du développement la société civile, et lui donne un rôle de proposition » peut-on ainsi lire sur la déclaration.
Donner « une place encore plus importante aux jeunes donc, à la société civile »
Préoccupée par la question migratoire, l’Europe, sous la houlette d’Emmanuel Macron, cherche ainsi à apporter des réponses, locales, aux maux que connaît la région (chômage des jeunes, montée de l’extrémisme ; changement climatique ; etc.) pour faire avancer des projets communs afin de « permettre au Maghreb de revivre » politiquement, selon les termes employés par le président français lors de la clôture. Ainsi sur les 260 projets proposés par la société civile, 14 ont été retenus. Parmi lesquels, le « programme méditerranéen nouvelle chance », pour la valorisation de l’emploi, avec la création d’un réseau d’écoles des métiers de la mer, une maison euro-arabe de la traduction, le lancement d’un média plurilingue pour faire la promotion de la Méditerranée ou encore un réseau de festivals de la Méditerranée, etc. Avec, pour fil conducteur, la jeunesse. Il s’agit, conclura Ouided Bouchamaoui de donner « une place encore plus importante aux jeunes donc, à la société civile ».
Reste à trouver les financements pour « tenir nos engagements » exhortera Jean-Yves Le Drian. A cet effet, Emmanuel Macron a invité ses pairs à se réunir à nouveau, dans un délai de six mois.