Face au paludisme qui fait des ravages en Afrique, deux jeunes, alors étudiants en Master à l’Institut d’Ingénierie de l’eau et de l’environnement (2IE) de Ouagadougou, Gérard Niyondiko et Moctar Dembélé ont mis en place en 2013, une Start up afin de protéger les populations africaines sans changer leurs habitudes. D’un savon anti-moustique au départ, la Start up devenue en 2017, «Maïa Africa», une pommade anti-moustique, ne cesse de fasciner. Elle vient d’être classée «meilleure solution de développement au Sahel» au cours d’une compétition financée par la Banque Mondiale.
Par Ibrahima SANOU, à Ouagadougou
La Start up Maïa (Humanité en Bambara) Africa propose une solution de prévention contre les piqures de moustiques et s’inscrit dans la logique de la lutte contre le paludisme au Burkina Faso et en Afrique sub-saharienne. Sa spécificité, c’est qu’elle propose un outil de protection en dehors des maisons contrairement à ce qui a toujours existé à l’image des moustiquaires. Selon Gérard Niyondiko, co-fondateur et directeur général de Maïa Africa, dans les anciennes études, la majorité des piqures se faisaient vers minuit mais actuellement, les grosses piqures ont lieu vers 18 heures. «Nous proposons notre pommade dont l’efficacité va jusqu’à 8 heures après frottement. C’est dire quelqu’un qui frotte le produit le soir vers 18 heures, il est protégé tout le temps qu’il va passer avant d’aller dormir sous moustiquaire. Combiner les deux outils, va permettre aux gens d’avoir à peu près 100% de protection». Une idée innovante qui a été sacrée «meilleure solution de développement au Sahel» devant 14 Start up de sept pays africains au cours de la finale de la compétition «Marathon du Sahel» déroulée en septembre dernier à Bamako, au Mali. Lancée en 2013 sous le nom «Faso Soap», le projet était au départ focalisé sur le développement d’un savon anti-moustique. Selon le co-fondateur Gérard Niyondiko, le choix du savon anti-moustique est parti du principe que tout le monde se lave au moins chaque soir en Afrique. Une année seulement après le lancement, le second co-fondateur Moctar Dembélé s’est retiré du projet pour poursuivre sa carrière professionnelle.
Maïa Africa, «meilleure solution de développement au Sahel»
Cependant, Gérard Niyondiko ne restera pas seul longtemps car en 2
015, il rencontre un nouvel associé le français Franck Langevin passionné par l’entreprenariat social. Ils vont ensemble porter le projet mais feront face à un blocage en 2017. Il fallait montrer aux potentiels partenaires du projet que les africains se lavent mais malheureusement, aucune donnée n’existait pour prouver cela. «Certes, il y a beaucoup d’ONG qui travaillent sur l’hygiène des mains avec le savon mais personne ne s’était posé la question sur l’hygiène corporelle». Comme il n’existait pas d’études sur le sujet, il fallait en faire. Aussi, grâce à la subvention d’une fondation en 2017, Gérard Niyondiko va conduire cette étude avec la collaboration de l’Institut des sciences des sociétés (INSS) du Burkina Faso. «L’étude a porté sur un échantillon de 1000 foyers dont 70% en milieu rural et 30% en milieu urbain et semi urbain». Au terme de l’étude, Gérard Niyondiko s’est rendu compte qu’après s’être lavés en Afrique, les gens surtout les femmes et les enfants utilisent une pommade à base de beurre de karité. Un constat qui a bouleversé tout le projet qui s’est donné pour mission de ne pas changer les habitudes de la population. «On ne va pas demander aux gens de laver leurs enfants avec notre savon qui est super efficace et ne pas frotter quelque chose après. Et s’ils frottent quelque chose que nous ne connaissons pas et ne contrôlons pas, ça peut enlever l’effet protection que nous voulons». Face à ce constat, Gérard Niyondiko et son associé se sont rendu compte qu’ils ont passé trois ans à développer un produit qui ne va pas avoir l’impact qu’il veut. Il fallait changer de cap. «C’est à partir de là qu’on a commencé à travailler sur une pommade. Après avoir validé le côté efficacité sur les moustiques, nous avons travaillé sur la texture et l’odeur pour que le produit repousse les moustiques tout en sentant bon».
Maïa Africa, c’est 8 heures de protection complète
Si la pommade fait 8 heures de protection complète après application, elle reste néanmoins toujours efficace à 80%, au de-là de 10 heures. La phase pilote de lancement de la pommade a été réalisé en Août dernier à Ouagadougou avec un stock limité d’environ 6 000 pots. «On est autour de 5 000 pots déjà vendus en moins de trois mois alors qu’on n’a pas fait de publicité. La publicité s’est fait de bouche à oreille et le produit s’est très bien vendue en pharmacie, dans les boutiques et les alimentations». Gérard Niyondiko annonce un lancement à grand échelle en 2020 avec la fabrication de 400 000 pots pour couvrir au moins deux à quatre pays africains en attendant 2021 pour atteindre 1 million de pots vendus à travers le continent. «Plus le produit est utilisé par un plus grand nombre, plus on a la probabilité de protéger le plus de vies». Pour la réussite du lancement en 2020, le directeur général Gérard Niyondiko est en train de chercher la somme de 80 millions de FCFA (environ 121 000 euro) et reste confiant. «On n’est pas loin de boucler la mobilisation de la somme et on reste confiant que d’ici début 2020, on aura le stock. Grâce au lancement, on aura d’autres opportunités pour la suite». Déjà, pour son sacre à la compétition «Marathon du Sahel», la Start up a empoché 15 000 euro (environ10 millions FCFA). «La compétition nous a ouvert d’énormes opportunités. Nous sommes rentrés directement en contact avec nos potentiels clients. On s’est tissé un vaste réseau parce qu’il y avait des Institutions financières et des investisseurs présents». La Start up est logée à Ouagadougou dans un incubateur appelé la Fabrique qui accompagne les entrepreneurs sociaux. Elle est actuellement en phase d’homologation. «Je suis l’un des premiers projets incubés par la Fabrique en 2015. La Fabrique nous a fait et nous aussi avons fait la Fabrique».