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Made in Africa Une tendance qui se confirme… et s’exporte !

C’est une tendance qui se confirme. Alors que les classes moyennes africaines se développent, avec elles une demande de consommer local, le made in Africa est en plein essor sur le continent, avec une offre qui se diversifie, s’améliore… et s’exporte ! 

Par Bilkiss Mentari

Finie l’époque où pour s’approvisionner en Bissap, thé et autres produits made in Africa, il fallait passer par Château Rouge, Barbes et autres quartiers populaires de Paris où le « made in Africa » se limitaient aux magasins spécialisés, peu reluisant, pis, vendus à la sortie des métros par des Mamas en boubou, dans des emballages de fortune, peu attractifs… Ou du moins plus uniquement. A Paris, Bruxelles, Londres, Montréal… jusqu’à New York, dans les grandes surfaces ou concept stores, le made in Africa trône désormais parmi les produits du monde, soigneusement packagés et répondant à toutes les normes internationales en termes de production (certification ; traçabilité ; respect des normes environnementales …). Du chocolat en barre au café en boîte, aux vêtements et accessoires dernière tendance en wax, jusqu’aux smartphones, tablettes électroniques et autres produits High Tech débarquent sur les marchés internationaux… et s’imposent ! Timidement, mais surement. Bravant les obstacles des lois du commerce international, pas toujours en faveur des producteurs du Sud, de la logistique, ainsi que de la concurrence des géants internationaux.

« Si on veut valoriser le made in Africa, il faut investir dans des unités de production, et assurer la traçabilité des produits que l’on veut amener sur les marchés internationaux. »

Et si le Made In Africa a le vent en poulpe, c’est qu’il répond à une demande. Celle des diasporas africaines à travers le monde en quête de produits issus du continent « de qualité », de la nouvelle classe moyenne qui émerge sur le continent et aspire à consommer « local », sans oublier des consommateurs de la planète soucieux de « consommer équitable ». Une tendance encore loin de rééquilibrer les échanges commerciaux entre l’Afrique et le « Nord » _ l’Afrique ne pèse que 2% dans le commerce international_, mais qui ceci dit, participe à changer l’image du continent. Ce qui était au cœur de l’aventure de Moriba. Originaire du Mali, cet entrepreneur « par passion », aura été un pionnier en la matière. A travers sa marque, Moriba Saveurs d’Afrique, il nourrissait l’ambition de promouvoir le made in Africa en France. « La première fois que j’ai contacté le responsable du centre commercial, il a ri, et m’a dit : Amenez moi vos jus, on va rigoler ! ». Il le prend au mot. Ce jour-là, non seulement le patron sera surpris par l’emballage mais également la qualité du produit, et très vite, par son succès commercial. Au départ, cantonné à un petit rayon de cette grande surface alsacienne, les jus et autres produits Moriba se verront offrir une boutique dans l’enseigne.

Reste que l’aventure, aussi passionnante soit-elle, se révèle être un sacerdoce. « Tous les jours je me réveille en me demandant ce qui va me tomber dessus aujourd’hui » confie Moriba. Lequel s’approvisionne en matières premières en Afrique mais assure la transformation et la production dans une usine en Alsace faute d’avoir réussi à développer l’activité sur le continent. « Nous avons trop de barrières. » Exigeant, Moriba mise lui sur la traçabilité pour valoriser ses produits et c’est le message qu’il prône aujourd’hui. « Si on veut valoriser le made in Africa, il faut investir dans des unités de production, et assurer la traçabilité des produits que l’on veut amener sur les marchés internationaux. »

Être présent sur toute la chaîne de valeur, c’est également le leitmotiv de Charlotte Libog. A la tête de la plateforme « Afrique Grenier du Monde » (AGM), Charlotte parcourt les capitales européennes et africaines avec le même message. « L’Afrique peut nourrir le monde mais il faut investir dans les entrepreneurs agricoles. » (Lire sa tribune). Un plaidoyer qu’elle porte devant les décideurs politiques. N’hésitant pas à les bousculer. Certains, ceci dit, en Afrique, ont entrepris de valoriser leur production locale. A l’image du Rwanda qui avec la Zone économique spéciale de Kigali ambitionne de porter le made in Rwanda sur les marchés internationaux. Ce qui est déjà le cas. A travers un PPP avec le groupe Chinois C&H, des vêtements, des uniformes notamment, entièrement fabriqués localement, inondent d’ores et déjà les grandes surfaces européennes et américaines… Allant jusqu’à concurrencer le made in China ! Et les ambitions rwandaises sont loin de s’arrêter là. Désormais, selon la vision de Paul Kagamé, c’est du savoir High Tech que le Rwanda veut exporter…

L’E-commerce, plateforme pour le made in Africa

Déjà, des innovations technologiques made in Africa voyagent à travers le monde. Peekvision, une application qui permet de prévenir des cas de cécités, développée au Kenya, est aujourd’hui utilisée en Inde. Tandis que les smartphones de l’Algérien Condor circulent en France et en Europe, avec pour cible la diaspora, mais pas seulement… Des produits dont la diffusion est désormais facilitée par l’essor du E-commerce, avec des plateformes tels que Jumia et Afrimarket qui ont notamment misées sur l’argent de la diaspora et ses transferts de fonds vers l’Afrique, dont les sommes dépassent aujourd’hui l’aide au développement.

Autre champs du made in Africa qui se développe, la production artistique et culturelle.  Netflix a récemment annoncé la diffusion, l’an prochain, de sa première série africaine baptisée « Queen Sono », avec en vedette l’actrice sud-africaine Pearl Thusi dans le rôle d’une espionne. « Avec le temps, nous allons travailler de plus en plus avec l’Afrique. Nous prévoyons d’investir plus dans les contenus locaux », a annoncé dans la presse Erik Barmack, le vice-président du géant américain pour les productions originales. De quoi participer au développement de l’industrie cinématographique… déjà très prolifique au Nigéria.

2 200 milliards de dollars de dépenses en consommation d’ici 2030

Avec l’industrie pharmaceutique en Tunisie, la « Silicon Savannah » émergente au Kenya, le textile en Éthiopie, les pôles métallurgiques au Ghana, l’automobile au Maroc et en Afrique du Sud… La tendance ne peut fléchir. Alors que la population du continent, qui compte actuellement 1,2 milliard d’habitants, va doubler d’ici à 2050, les dépenses de consommation devraient tripler pour atteindre 2 200 milliards de dollars en 2030, tandis que l’industrialisation s’accélère (+ 10 % par an) ainsi que l’avènement d’une culture entrepreneuriale, l’aventure du Made in Africa ne fait que commencer…

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