Pour Minette Libom Li Likeng, la Ministre des Postes et Télécommunications, en charge depuis le 2 octobre 2015, « l’économie numérique est le phénomène du siècle ». Interview à Yaoundé par Dounia Ben Mohamed.
Le Cameroun a mis en place une stratégie ambitieuse de promotion de l’économie numérique. Quelle est votre, vos, priorités ?
L’économie numérique est un chantier majeur, au cœur de la stratégie de développement de notre pays. Dans son message à la Nation, au soir du 31 décembre 2015, ainsi que dans son discours à la jeunesse le 10 février 2016, le chef de l’Etat, son excellence Paul Biya, a ouvert la voie : le gouvernement camerounais doit se mobiliser pour faire de l’économie numérique le moteur de notre croissance et une source d’emploi. L’économie numérique, c’est le phénomène du siècle. Elle embrasse tous les secteurs. Quand on voit ce qui se passe ailleurs, elle bouleverse les sociétés. Alors, nous avons mis en place une stratégie comme vous l’avez signalée, une feuille de route intitulée « Cameroun numérique 2020 ». Laquelle repose sur trois piliers à équilibrer. A commencer par les infrastructures, c’est un préalable, la large bande. Nous avons déjà lancé la 4 G, désormais le reste va aller très vite. Ensuite, transformer l’administration. Et enfin, la régulation. Dans le contexte que nous vivons, à l’échelle internationale, avec la cybercriminalité, nous devons mettre en place les garde-fous indispensables.
Comment allez-vous financer ces investissements, importants ?
Nous allons chercher les investisseurs. En commençant par chez nous. Lors de la Conférence « Investir au Cameroun » (NDLR : organisée à Yaoundé du 17 au 18 Mai 2016), nous avons lancé un appel au secteur privé national. Mais également aux investisseurs internationaux, déjà présents dans notre pays dans d’autres secteurs. Aujourd’hui, il s’agit de les attirer vers le numérique. Le modèle des partenariats publics-privés (PPP) a montré ses réussites dans d’autres domaines…
Certains projets sont déjà en cours ?
Il y a des projets déjà mûrs. Par exemple, un PPP est en cours avec un consortium d’investisseurs réunis par un fond indien, pour encadrer les jeunes. D’autres non évalués… mais ce qui est certain c’est que l’économie numérique coute très cher. Les kilomètres de fibre optique aménagés ont couté à eux seuls des centaines de milliards de FCFA. Donc, oui, les PPP sont une des voies de financement de ces projets. Il nous faut en trouver d’autres. Le capital-risque, le crowfounding…
Sachant que pour les convaincre, vous avez un argument de taille : les prouesses des jeunes Camerounais !
Nous avons effectivement de nombreux atouts à offrir aux investisseurs. A commencer par notre jeunesse. La jeunesse camerounaise est très active. De plus en plus de jeunes, bravant les obstacles, n’hésitent plus à entreprendre, et à créer des startups. Sans même attendre le cadre adéquat. Regardez ce qu’ils arrivent à faire sans cadre, alors imaginez, quand nous leurs ont auront apporté l’écosystème adapté, ils iront encore plus loin, et seront plus nombreux à se saisir des opportunités que leur offrent les Ntic. En suivant l’exemple des premiers. Nous avons de belles success story. Chaque année des Camerounais figurent parmi les lauréats de concours internationaux en matière d’innovation technologique. C’est la preuve que notre pays regorge de talents !
En parlant de cadre adapté, quels outils allez-vous mettre à la disposition de ces jeunes startuppeurs ?
En février dernier, après le discours du chef de l’Etat, nous avons justement entendu les doléances de ces jeunes à travers un forum organisé par vidéo-conférence, pour donner la chance à un maximum d’entre eux de s’exprimer. Une de leur première revendication, c’est de leur faciliter l’accès à des financements. Dans ce domaine, nous devons nous aussi innover. Trouver de nouveaux modes de financement qui correspondent à cette jeunesse et à cette soif d’entreprendre et d’innover. Mais ce que les jeunes attendent en priorité, ce n’est pas tant de l’argent mais des incubateurs, des plateformes, où ils peuvent exercer leur métier et bénéficier d’un accompagnement. Sur le modèle de l’incubateur Technopôle Sup-valor, créé par l’Ecole nationale supérieure polytechnique de l’université de Yaoundé, qui précisément accompagne les créateurs d’entreprises à travers de la formation, du conseil, en plus de l’hébergement. Et ça fonctionne très bien. De nombreux incubés sont aujourd’hui des innovateurs reconnus à l’échelle internationale. L’un d’eux à créer un drone ! A seulement 23 ans ! C’est une véritable innovation technologique, une fierté non seulement pour le Cameroun mais pour toute l’Afrique. Ce sont des modèles à généraliser. A côté des incubateurs privés, nous avons un grand projet en cours de préparation, en collaboration avec le ministère de l’Industrie, pour la mise en place d’un grand incubateur spécialisé qui va participer à positionner le Cameroun comme centre de maintenance.
Vous évoquiez votre collaboration avec le ministère de l’Industrie. Vous travaillez avec d’autres ministères. Le numérique devant jouer un rôle transversal dans les « chantiers de l’émergence » …
En effet. Notre ministère ne travaille pas seul sur ce vaste chantier de l’économie numérique qui finalement touche à tous les secteurs. A notre niveau, nous servons de facilitateur. D’ici la fin de l’année prochaine, avec l’ensemble de ces projets, l’économie numérique sera une réalité dans ce pays. Avec un impact sur la croissance, et la création d’emploi.
Auteur : DBM // Photo : Minette Libom Li Likeng, Ministre des Postes et Télécommunications, portant la voix de l’Afrique au 26e Congrès de l’Union Postale © DR
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