Eau et Assainissement en Afrique et Méditerranée : 35 Recommandations pour de nouveaux modèles de partenariat
A l’occasion de la Journée Internationale de l’eau, le CADE (Coordination pour l’Afrique de Demain) exprime 35 recommandations « pour de nouveaux modèles de partenariat » Afrique et dans la région Méditerranée.
Selon l’OMS, 320 millions de personnes en Afrique n’ont toujours pas accès à de l’eau potable répondant aux normes d’hygiène de base. La mauvaise qualité de l’eau serait responsable de 70 à 80 % des maladies sur le continent, avec un lourd tribut payé aux pathologies diarrhéiques comme le choléra, qui constituent l’une des principales causes de la mortalité infantile. L’Afrique subsaharienne perd environ 5% de son PIB à cause du manque d’assainissement. 1 dollar investi dans l’assainissement en rapporte en moyenne 8 grâce à une baisse des dépenses de santé et aux gains de productivité.
« Le déficit de financement annuel qui entrave la réalisation d’infrastructures d’eau en Afrique se situe entre 43 et 53 milliards de dollars »
Alors que le déficit de financement annuel qui entrave la réalisation d’infrastructures d’eau en Afrique se situe entre 43 et 53 milliards de dollars, le do tank socio-économique Coordination pour l’Afrique de Demain (CADE), présidé par Roland Portella, publie, le 22 mars, à l’occasion de la Journée internationale de l’eau, 35 recommandations pour de nouveaux modèles de partenariat en matière d’eau et d’assainissement en Afrique et Méditerranée.
Les recommandations sont issues des expériences professionnelles des intervenants à la Grande Rencontre organisée par la CADE en partenariat avec Eau Vive Internationale (dirigée par Jean Bosco Bazié) le 11 février 2019 au Conseil Supérieur du Notariat, à Paris, intitulée « Eau, Assainisse- ment, en Afrique et Méditerranée : nouveaux modèles de partenariats public-privés ». Ces recommandations se fondent aussi sur quelques recherches effectuées par les dirigeants de la CADE sur le sujet et elles témoignent de leurs expériences dans les domaines de la transition écologique, des évaluations des politiques publiques, du développement des entreprises.
1) Favoriser des stratégies d’innovation qui doivent reposer davantage sur les systèmes de collaboration entre les différentes parties prenantes, plutôt que de miser sur les innovations technologiques. Ceci en fonction des spécificités de chaque pays ou sous-régions, des modes de gouvernance, des ressources financières, de gestion des connaissances et des savoirs locaux.
2) Encourager les contrats qui associent une société patrimoniale, un régulateur et des opérateurs privés (grandes en- treprises et PME).
3) Instaurer la création de réseaux d’acteurs qui travaillent en synergie ou filière. « Exemple dans les déchets plastiques : collecte des déchets plastiques, en collaboration avec les municipalités et des micro-entrepreneurs très motivés, qui organisent des campagnes de sensibilisation des populations aux techniques de collecte et de vente des déchets plastiques. »
4) Mettre en harmonie et en convergence les politiques d’accès/gestion de l’eau et les politiques sectorielles : l’indus- trie, l’énergie, la préservation de la Nature, la santé et l’agriculture, dont les activités utilisent beaucoup d’eau, nécessitant donc des coordinations intersectorielles.
5) Envisager différents systèmes de gouvernance, comme au Maroc, qui recoure à trois types de gestion : les régies municipales, la gestion par « l’Office National de l’Eau Potable » pour les petites et moyennes communes et la délé- gation de service dans les grandes villes.
6) Favoriser des gouvernances transversales en faveur de l’accès à l’eau et à l’assainissement rassemblant les Etats, les autorités de gestion des fonds et la société civile.
7) Privilégier des démarches « bottom-up » aux démarches « top-down ». Il faut éviter de transposer les poli- tiques, techniques et technologies développées pour l’Occident telles quelles en Afrique et Méditerranée. Partir d’une page blanche, mais sur la base des systèmes et technologies existants et des savoir-faire acquis partout ail- leurs dans le monde.
8) Modéliser et vulgariser les partenariats publics-privés de tailles modeste notamment dans le cadre de politiques ter- ritoriales d’accès à l’eau et à l’assainissement.
9) Renforcer les procédures de contrôle sur la qualité de l’eau, en se basant sur les connaissances scientifiques les plus récentes et sur les technologies les plus efficaces par rapport aux coûts d’investissement et d’exploitation.
10) Intégrer le fait que l’eau a un coût. Un arbitrage politique est nécessaire pour le répercuter sur les consommateurs qui doivent être responsabilisés (lutte contre le gaspillage, entretien des installations domestiques …).
11) Etablir des cadres efficaces de gouvernance de l’eau qui gèrent les arbitrages entre les usagers et les opérateurs ex- ploitants-distributeurs de l’eau, entre les zones rurales et les zones urbaines.
12) Assurer une coordination entre tous les acteurs pour l’accès à l’eau et l’assainissement ; le débat public-privé ne doit pas relever du dogme, seules les compétences et l’efficacité comptent, adaptées aux différentes échelles d’inter- vention (urbain, périurbain, rural). L’innovation en la matière tient davantage à la qualité de cette coordination qu’en des innovations techniques.
13) Accorder une attention particulière aux solutions fondées sur la « nature ». Ces solutions utilisent ou imitent les processus naturels pour améliorer la disponibilité de l’eau (rétention de l’humidité du sol, recharge des eaux souter- raines) et la qualité de l’eau (zones humides naturelles et construites, bandes riveraines tampons), mais aussi pour ré- duire les risques associés aux catastrophes liées à l’eau et au changement climatique (restauration d’une plaine d’inon- dation, toits verts).
14) Combiner infrastructures « grises » et infrastructures « vertes » pour maximiser les avantages et l’efficacité du système de production et de gestion, tout en minimisant les coûts.
15) Opérer des traitements secondaires voire tertiaires des eaux usées, et parfois d’un réseau d’assainissement.
16 ) Développer les usages de l’information satellitaires dans le domaine de l’eau. Les satellites à radiomètres permet- tent d’estimer « l’évapotranspiration » et l’humidité des sols, informations qui permettent d’optimiser les usages de l’irrigation. Les images servent aussi à cartographier les zones d’inondation, ou les usages des sols entrant dans les bilans hydriques des bassins. Le suivi colorimétrique pour la sédimentologie et de la charge en algues, ou encore la détection gravimétrique des masses d’eau souterraines, offrent encore d’autres perspectives.
17) Généraliser le recyclage des eaux usées, ce qui peut être source d’innovations techniques.
18) Renforcer les systèmes de réduction des risques générés par les investissements qui portent atteinte à l’intégrité naturelle des cours d’eau, lacs, zones aquifères et zones humides, et à leurs conditions hydromorphologiques.
19 ) Construire de petites unités indépendantes dotées de technologies permettant la méthanisation des effluents spécialisés.
20) Faire émerger des investissements catalytiques pour diffuser l’innovation et servir de démonstration sur la base de laquelle les acteurs privés réaliseront des investissements modestes mais catalytiques en partenariat avec des entités publiques .
21) Diversifier les types d’investissements selon qu’il s’agit de grands réseaux qui justifient des investissements lourds, ou de solutions locales génératrices d’emplois qui doivent être soutenues financièrement et techniquement de manière pérenne. Des expériences réussies d’adaptation des modes de financement et de gestion sont à répliquer.
22) Créer des fonds structurels d’investissement pour l’assainissement destinés à préparer et structurer des projets.
23) Utiliser les sources de financements des communautés locales d’épargnes et de crédits dans l’achat d’équipements d’assainissement.
24) Combler le manque de ressources en finances publiques par des mécanismes de redevances de pollution basés sur l’intégration des externalités négatives d’activités, comme des « écotaxes ».
25) Etablir des communautés de pratique d’eau qui faciliteront des mécanismes de production et le partage des connaissances sur la sécurité de l’eau, des systèmes de mesure pour améliorer les indicateurs d’accès à l’eau.
26) Produire plus de données sur la qualité des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement, ainsi que de suivi-évaluation participatif pour un meilleur pilotage global du secteur.
27) Développer des programmes de remise à niveau des installations d’hydraulique rurale avec une professionnalisation et gestion rigoureuse de l’entretien et de la maintenance.
28) Former des techniciens autonomes, ce qui est une des clés de l’amélioration des systèmes d’alimentation (aménagements, maintenance, gestion). Centrer la coopération technique sur les transferts de savoir-faire.
29) Perfectionner les systèmes d’information neutres et indépendants sur les ressources en eau.
30) Favoriser l’apprentissage social qui facilite le dialogue et le consensus, au travers de plateformes de réseaux, des médias sociaux, TIC, d’interfaces intuitives (par exemple, les cartes numériques, les «méga données», les données intelligentes et les données ouvertes).
31) Créer un secteur privé compétent dans des opérations de maintenance de réseaux assurant ainsi leurs pérennités.
32) Créer des filières d’assainissement comprenant la réalisation d’ouvrages et de prestations de services de construc- tion et d’entretien de latrines, de réseaux, de l’évacuation des boues, la collecte, l’évacuation et le traitement des eaux usées ou du traitement des boues et des eaux usées, ce qui génère des activités économiques et la création d’emplois. Ce qui permettra d’organiser les chaînes d’acteurs et de métiers, dont il faut cartographier les niches d’avenir.
33) Développer un entreprenariat social capable d’agir au niveau local, apte à adapter des solutions innovantes peu onéreuses pour l’approvisionnement en eau potable des communautés rurales et périurbaines. Mobiliser des fonds d’investissement de proximité pour ce faire.
34) Adopter une économie circulaire et durable, par le traitement des eaux usées et adaptées au futur, en utilisant la chaîne de recyclage, du point d’émission de l’eau usée à sa réutilisation. Promouvoir des circuits courts pour valoriser l’échelon local.
35) Développer et promouvoir des sous-filières d’innovation et de niches technologiques, de solutions expérimentales, d’utilisation des nanotechnologies, de massification des données patrimoniales et de modèles prédictifs, de dessale- ment à faible coût énergétique, de diagnostic environnemental, de bio-analyse de l’eau, de traitement de micro-polluants, etc.
Pour en savoir plus : www.afrique-demain.org