Kigali accueille du 15 au 21 septembre l’édition 2018 de Hillywood, the Rwanda Film Festival. Créé par Eric Kabera, réalisateur rwandais internationalement reconnu et primé, fondateur du Kwetu Film Institute, un centre de formation au septième art, la manifestation reçoit chaque année les plus grands noms du cinéma africain et international. Et cette année, Hillywood est associé à The Africa Movie Academy Awards, les très célèbres AMA Awards, qui tiendront leur 14ème édition le 22 septembre au Radisson Blu Hotel & Convention Centre.
En 13 ans, Hillywood, ou The Rwanda Film Festival, a su réussi à s’imposer comme le RDV du cinéma made in Africa. Réunissant les professionnels du secteur du continent ainsi que de la scène internationale, il met les projecteurs, le temps d’une semaine, sur la production cinématographique du continent. « Au cours des 13 dernières années, le Rwanda Film Festival a apporté de la joie, du divertissement et de l’amusement aux mille collines du Rwanda. Rejoignez-nous encore cette année », invite son promoteur, le documentariste et réalisateur rwandais Eric Kabera.
« Nous avons l’intention d’utiliser l’art pour faire en sorte que l’image globale du Rwanda reflète la guérison et la croissance qui se sont produites ici. »
« Notre mission principale est de promouvoir et d’encourager la sensibilisation, l’appréciation et la compréhension du cinéma au Rwanda en présentant les films les plus remarquables produits dans toutes les régions du monde », explique Eric Kabera. Par ailleurs fondateur du centre cinématographique Kwetu, une école de formation aux métiers du cinéma, Eric ambitionne également, à travers cette manifestation qui réunit les professionnels du secteur, à participer à l’essor de l’industrie du film en Afrique. « Le Festival encourage les liens entre les professionnels de l’industrie afin de contribuer au développement de l’industrie rwandaise et de l’industrie cinématographique en particulier. La ville de Kigali est la plaque tournante du festival, mais les films vont plus loin que les limites de la ville. Dans les zones rurales, le cinéma commence tout juste à prendre racine et l’excitation est évidente. Nous avons l’intention d’utiliser l’art pour faire en sorte que l’image globale du Rwanda reflète la guérison et la croissance qui se sont produites ici. L’objectif est de présenter des voix rwandaises authentiques à partir de courts métrages produits localement et de caractéristiques auxquelles tout le monde peut s’identifier. »
Car selon la vision d’Eric, le cinéma est loin d’être un simple divertissement. Le cinéma est un outil pédagogique à intégrer dans les politiques nationales de développement. « Pour moi, le cinéma ce n’est pas de la distraction, c’est de l’éducation. Aujourd’hui, avec le festival on a créé une dynamique qui a fait que les organes de l’Etat ont compris l’importance de créer un certain cadre pour promouvoir le cinéma local. Plus de 3000 personnes y participent. On a quand même positionné le Rwanda sur la scène internationale du cinéma. Il est de la responsabilité des Etats africains de financer cet outil éducatif. Moi j’ai beaucoup appris du cinéma, et je continue à en apprendre. Il faut désormais l’intégrer dans les politiques de développement en Afrique. »
C’est cette soif d’apprendre et de transmettre via le cinéma qu’Eric s’efforce depuis quinze ans, à donner à voir le Rwanda et à travers lui l’Afrique dans sa réalité. Une passion qu’il découvrira par les hasards de l’histoire
« Je ne voulais pas être le seul prédicateur dans le désert »
« Après le génocide, des journalistes du monde entier se sont retrouvés à Kigali pour comprendre et rapporter, en image, leur version du drame rwandais. » Eric servira alors de fixeur, traducteur avant de prendre lui même la caméra en main et donner sa version, celle des Rwandais. « En voyage au Canada, j’étais surpris de découvrir que personne ne connaissait le Rwanda, ni l’ampleur de notre histoire. Ce qui aura quand même été un des drames les plus tragiques de la fin du XXe. Je devais raconter cette histoire, comme je la voyais, sans filtre. C’est un peu cliché, mais je voulais apporter ma voix, celle de miens. Mais je ne voulais pas être le seul prédicateur dans le désert, alors j’ai monté une équipe de jeunes autour de moi. Et c’est comme ça qu’est né 100 jours. » Une fiction, pour tenter de toucher un public plus large que celui, plus limité, d’un documentaire. « Cent jours, c’est l’histoire du Rwanda vécu à travers une famille moderne susceptible de susciter une certaine émotion, empathie, chez n’importe qu’elle famille, qu’elle soit à Paris, Bruxelles, ou ailleurs. ».
« Une histoire traumatique en soi, mais qui aura été à la longue une thérapie »
Le film sera suivi d’autres, plus crus, plus durs, dans lesquels Eric donnera la parole aux victimes comme aux bourreaux. Un exercice difficile, mais essentiel pour le Rwanda. « Avec mon adrénaline, ma passion, ma douleur de vouloir faire des films sur le génocide, une histoire traumatique en soi, mais qui aura été à la longue une thérapie. Même si ça n’a pas toujours été facile. C’était encore tabou à l’époque, même risqué. Il y a eu des moments très difficiles. Une scène par exemple a traumatisé le casting: dans l’église se trouvait encore des ossements, on sentait la mort. Quand on y pense, l’esprit des morts anime ses films… » Des films remarqués sur la scène du cinéma international. Mais quand lors d’un festival à Toronto le public l’ovationne, Eric est en larme. « On fait les mêmes reportages, mais avec quel résultat? J’étais devenu cette personne qui traduisait le malheur de mon peuple. Là je me suis dit que j’avais besoin de faire un autre film, pas sur le génocide. » Le résultat Africa United se révélera un succès mondial, présenté dans de nombreux festivals internationaux et dans les salles de cinéma en France et Europe. « C’était important parce que, à chaque fois que je participais à une festival, je percevais une certaine image de l’Afrique qui ne me plaisait pas, une Afrique qui pleure. En Afrique, on a de nombreux défi, c’est sûr, mais aussi beaucoup d’espoir. Il fallait combler ce vide. »
« Donner à la jeune génération les outils technologiques pour qu’ils tiennent le narratif de l’Afrique pour demain »
Entre temps, il crée le centre cinématographique Kwetu avec la même ambition : former des jeunes gens aux métiers du cinéma et par la même occasion leur donner les armes en vue de raconter leurs propres images, de produire leur propres images. « Malheureusement un seul film ne peut pas combler des années de clichés. Mais avec la responsabilité que nous avons envers la jeune génération, il s’agit de leur donner les outils technologiques, les éléments de base pour qu’ils tiennent le narratif de l’Afrique pour demain. D’où l’idée de cette école. » Depuis, toute une génération de jeunes Rwandais ont pu embrasser le métier. Des réalisateurs, cadreurs, monteurs, cinéastes qui voyagent avec leur film. « Aujourd’hui ce sont mes collègues. »
Et pour leur donner l’opportunité de montrer leur création, chaque année Eric organise le festival Hillywood devenu une vitrine du cinéma rwandais, plus largement du cinéma africain. « C’est toujours une bataille. On survie avec peu de budget. C’est aussi cette éducation qu’on veut transmettre à la nouvelle génération. D’autres personnes, institutions, devraient y investir. Or, le cinéma n’est malheureusement pas la priorité dans les pays africains, en voie de développement… »
En attendant, l’édition 2018 du Rwanda Film Festival a une particularité : cette année, Hillywood est associé à The Africa Movie Academy Awards, les très célèbres AMA Awards, qui tiendront leur 14ème édition le 22 septembre au Radisson Blu Hotel & Convention Centre.
En savoir plus : http://rwandafilmfestival.net/
Ce message est également disponible en : الإنجليزيةالفرنسية