Si la COP 25, qui devait être celle de l’action, s’est achevée sur un sentiment de déception, l’Afrique, à la fois dernier réservoir de la biodiversité et première victime du dérèglement climatique, y aura affiché un front uni, pour faire connaître ses doléances.
Par Bilkiss Mentari
Les récentes inondations qui ont frappées l’Afrique de l’Est auront donné une malheureuse actualité à la 25e édition de la conférence Climat (Cop 25) qui se tenait à Madrid du 2 au 13 décembre.
Alors que, selon l’ONU, les émissions mondiales continuent d’augmenter malgré trente ans d’alertes scientifiques –, le réchauffement pourrait se situer entre « 3,4 et 3,9 °C » en 2100, peu d’avancées ont été enregistrées depuis l’Accord de Paris, ratifié par 183 pays 2015, et qui devait se traduire par un engagement, mondial, à freiner les augmentations de température à 2 ° C d’ici la fin de ce siècle, tout en essayant de contenir les hausses à moins de 1,5 ° C.
« Nous avons tout à perdre, c’est pourquoi, il est essentiel de parler d’une voix unique pour que nous puissions défendre nos intérêts »
Partisane de la politique du « pollueur payeur », l’Afrique, qui reste en attente de mesures concrètes, et donc financières, est montée au créneau à l’occasion de la Cop 25, de la Journée de l’Afrique notamment qui se tenait en marge de la Conférence, pour parler d’une seule voix et faire connaître ses propositions en vue d’améliorer la mise en œuvre des CDN en Afrique.
« Nous avons tout à perdre, c’est pourquoi, il est essentiel de parler d’une voix unique pour que nous puissions défendre nos intérêts », insistera la présidente de la Conférence des ministres africains en charge de l’environnement (AMCEN), Barbara Creecy. Invitant les négociations à faire en sorte que les Contributions déterminées nationales (CDN) ne soient pas « lourdes ». « Notre besoin est de faire en sorte que la relation adaptation/atténuation soit équitable ».
«Nous avons et continuerons de nous engager et de rechercher des terrains d’atterrissage sur les questions en suspens, aura ainsi indiqué, au cours de la session d’ouverture de la Journée de l’Afrique, Yasmin Fouad, Ministre égyptien des affaires environnementales, au nom de l’Union africaine. Mais nous devons signaler notre inquiétude face à la réticence apparente de nos interlocuteurs à aborder les questions prioritaires pour les pays en développement, comme en témoigne le grand nombre de ces questions qui ont simplement été repoussées de session en session sans aucun progrès. »
«L’Afrique doit évoluer vers des modèles de financement innovants fondés sur le marché pour parvenir à un continent fort, uni, résilient et influent à l’échelle mondiale »
L’occasion pour les intervenants de rappeler que si l’Afrique contribue le moins aux émissions de réchauffement de la planète, elle est plus que jamais le continent le plus vulnérable au changement climatique, sujette à des catastrophes naturelles dévastatrices de plus en plus nombreuses. «Les problèmes de catastrophe climatique auxquels le continent est confronté exigent une réponse prévisible et unifiée», a poursuivi le Secrétaire général adjoint des Nations Unies, Mohamed Beavogui, directeur général d’African Risk Capacity, une agence de l’Union africaine qui aide les gouvernements à répondre aux catastrophes naturelles. Avant d’ajouter : «L’Afrique doit évoluer vers des modèles de financement innovants fondés sur le marché pour parvenir à un continent fort, uni, résilient et influent à l’échelle mondiale. L’avenir de l’Afrique dépend de la solidarité. »
«Le manque d’ambition et d’action mondiales concertées et significatives pour lutter contre le changement climatique constitue une menace existentielle pour les populations africaines»
«Le manque d’ambition et d’action mondiales concertées et significatives pour lutter contre le changement climatique constitue une menace existentielle pour les populations africaines», a observé Vera Songwe, Secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA). Tandis que, évoquant les nombreuses initiatives, et innovations, à l’œuvre sur le continent, en matière d’énergies renouvelables notamment, Anthony Nyong, directeur du changement climatique et de la croissance verte à la Banque africaine de développement, a invité à un changement de paradigme. «Nous continuons à présenter l’Afrique comme un cas vulnérable et non pas comme un cas commercial avec des opportunités. En fait, là où nous avons tenté ce dernier, les résultats ont été parfaits. »
Reste pour, Fortune Charumbira, vice-président du Parlement panafricain, à doter le continent de l’écosystème adéquat, en matière de législation notamment. «La réponse du monde au défi a montré que la législation est impérative pour cimenter les efforts déployés par les différentes parties prenantes; de l’Accord de Paris aux contributions déterminées au niveau national ».